L’HOMME-LÉOPARD ADOPTE AUJOURD’HUI LES BUTS DU MAU-MAU
Aujourd’hui cependant, les Hommes-Léopards ne semblent plus tuer et mutiler par simple goût du sang et par fanatisme envers Juju, mais aussi pour punir leurs frères de couleur qui pactisent avec l’homme blanc. Un Noir fait-il montre d’un goût trop marqué pour la culture européenne ? Il est massacré. Un enfant fréquente-t-il l’école et y apprend-il bien ? Un soir, il ne rentrera pas au village et l’on retrouvera son petit cadavre mutilé dans un fourré. Vu sous cet angle, l’Anioto perd son caractère occulte pour devenir un meurtre politique. Parfois, les Hommes-Léopards se transforment en vulgaires tueurs à gage. Dans ce cas, l’homme qui a sollicité leur collaboration devra les payer. L’Anioto sert aussi à assouvir une vengeance personnelle. Le tueur portera alors le signe V peint en blanc sur le front.
En 1947, le Colonial Office s’émut d’une nouvelle vague de crimes rituels qui submergea la Nigérie, les Hommes-Léopards n’y ayant pas fait moins de 156 victimes en un temps relativement court. Des experts furent mis à la tâche dans les districts en cause. Des suspects furent arrêtés, mais relâchés aussitôt faute de preuves. Les forces policières demeurèrent impuissantes, et les fanatiques Aniotos continuent encore à l’heure actuelle, à se moquer des mesures prises contre eux et à se ruer au carnage. Leurs crimes demeurent impunis. Ceux qui connaissent quelque chose de leurs secrets se taisent par crainte des représailles.
À l’heure actuelle, des villages entiers et même des régions entières de Nigérie tremblent encore sous la menace latente des meurtres rituels. Les mesures policières ne parviennent pas à ramener la paix dans les esprits épouvantés et le problème s’avère de plus en plus difficile à résoudre. Il est fort probable que, pendant de longues années encore, les Hommes-Léopards laisseront leurs traces sanglantes sur le sol de cette Afrique marquée, depuis toujours, du Signe de la Bête.